Le collectif Droits & Prostitution regroupe l’ensemble des associations de travailleurSEs du sexe et de santé communautaire avec les prostituées en France.
Depuis avril 2016, le racolage public n’est plus un délit, mais les clients sont depuis pénalisés.
Pourquoi décriminaliser ?
1) La pénalisation précarise les travailleurSEs du sexe
Depuis la pénalisation des clients, les revenus des prostituées ont fortement été touchés. Le pouvoir de négociation s’est inversé en leur défaveur et les prix ont baissés dans plusieurs endroits. Aucun moyen spécifique n’est prévu pour trouver du travail ou un revenu aux dizaines de milliers de personnes concernées. La précarisation n’est malheureusement pas perçue comme négative mais au contraire comme un des objectifs de la loi afin de décourager l’activité.
2) Elle dégrade la santé des travailleurSEs du sexe
Les associations de santé ont plus de difficulté à faire leur travail de prévention et à identifier les prostituées qui sont davantage cachées et mobiles afin de conserver leur clientèle. La perte de revenus amoindrit le pouvoir des prostituées de refuser des clients ou des pratiques qu’elles refusaient autrement. Nous recevons depuis la pénalisation des clients davantage de témoignages de rapports sans préservatifs ou d’interruptions de traitements à cause de déplacements plus fréquents et plus longs.
D’après The Lancet (1), les pays qui décriminalisent le travail sexuel ont des prévalences au VIH moindres que les pays prohibitionnistes, ce qui va dans le sens de la Haute Autorité en Santé (2) affirmant qu’ «il est envisageable que les politiques de pénalisation puissent être défavorables à la santé des personnes». L’étude Shannon et al 2014 (3) estime que la dépénalisation du travail sexuel contribuerait à une baisse des infections VIH de 33 à 46% en une décennie dans cette population. Tandis qu’en Corée du Sud, la pénalisation des clients a été suivie par une augmentation des contaminations au VIH et IST plus importantes, (4) en Nouvelle-Galles du Sud, Australie, aucun cas de transmission VIH n’a été répertorié depuis que le travail sexuel y a été dépénalisé en 1995. (5)
3) Elle augmente les violences contre les travailleurSEs du sexe
Depuis la pénalisation des clients, Médecins du Monde note une augmentation des signalements de violences. L’isolement accru empêche l’entraide et d’appeler à l’aide en cas de danger. La ville d’Oslo a constaté une augmentation des violences contre les prostituées suite à la pénalisation des clients en Norvège en 2009. (6) Même constat en Ecosse, (7) et à Montréal. (8) Il est à noter que l’exposition accrue aux violences est également une cause de vulnérabilité supplémentaire au VIH. Une étude conduite en Ukraine et au Kenya démontre que les infections au VIH étaient réduites de 25% lorsque les travailleuses du sexe n’étaient pas exposées à des violences physiques et sexuelles. (9)
4) Elle complique la lutte contre la traite des êtres humains et l’exploitation
Les syndicats de police dénoncent une mesure qui divertit leurs actions et gâche leurs ressources, sans aucune efficacité contre les réseaux de traite. (10) Dans un rapport de 2012, (11) la police suédoise admet que la traite des êtres humains aurait augmenté en Suède et que le nombre de salons de massages clandestins aurait presque triplé dans la ville de Stockholm. Les clients pourtant reconnus comme premiers témoins et acteurs de signalement dans les pays ayant mis en œuvre une ligne verte d’écoute contre la traite, ne peuvent plus signaler d’abus à la police sous peine d’être arrêtés.
5) Elle augmente la stigmatisation des travailleurSEs du sexe
Avec la pénalisation des clients, les travailleurSEs du sexe adultes sont considéréEs comme des personnes mineures ne pouvant consentir à un rapport sexuel. Le médiateur suédois pour l’égalité et contre les discriminations (12) note une augmentation de la stigmatisation et se démarque du rapport officiel de son gouvernement qui affirme que la stigmatisation doit être vue comme positive car elle dissuade l’exercice de la prostitution. (13) En France, l’étude menée par Nicola Mai, professeur de l'Université Métropolitaine de Londres en partenariat avec l’Université d’Aix-Marseille rapporte que 98% des travailleurSEs du sexe sont opposéEs à la pénalisation des clients, (14) mais leur opinion n’est pas pris en compte à cause des discours justifiant leur incapacité ou pathologisation.
Un constat grandissant et une revendication majoritaire
La décriminalisation du travail sexuel, y compris des clients, est soutenue par des organisations telles qu’Amnesty International, (15) le Défenseur des Droits, (16) le Planning Familial, (17) Médecins du Monde, Aides, la Ligue des Droits de l’Homme, (18) le Syndicat de la Magistrature, la Commission Nationale Consultative sur les Droits de l’Homme, (19) ou à l’international l’Organisation Mondiale de la Santé, (20) l’ONUSIDA, (21) le PNUD, (22) et Human Rights Watch. L’ensemble des organisations de travailleurSEs du sexe, pour la santé et les droits humains s’accordent sur cette mesure. Les sondages d’opinion montrent que la population française est également défavorable à la pénalisation.
+ Les rapports des organisations concernées
Dossier de plaidoyer du réseau mondial des travailleurSEs du sexe NSWP sur le dit "modèle suédois" (en anglais) http://www.nswp.org/zh-hans/node/2260
Autre document du réseau mondial NSWP en français concernant l’impact de la criminalisation http://www.nswp.org/sites/nswp.org/files/Criminalisation%20French.pdf
(1) Lien: The Lancet
(2) Lien: HAS-Santé (PDF)
(3) Lien: The Lancet
(4) Y. Lee & Y. Jung (2009), The Correlation between the New Prostitution Acts and Sexually Transmitted Diseases in Korea, The Korean Journal of Policy Studies, 24(1)
(5) Lien: The Kirby Institute
(6) Rapport de la villed’Oslo (PDF), 2012
(7) SCOT-PEP cité dans M. Autin (2008), La pénalisation du client en Europe et dans le Monde, Fondation Scelles
(8) A.L. Crago (2008), Our Lives Matter: Sex Workers Unite for Health and Rights, New York: Open Society Foundation
(9) Decker et al 2013 Lien: NCBI
(10) Lien: Le Figaro
(11) Lien: Polisen (PDF)
(12) Observations du Médiateur Suédois contre les discriminations sur l’enquête du Comité national pour la santé et le bien-être, ‘l’interdiction de l’achat de services sexuels, Une évaluation 1999-2008
(13) La citation exacte du rapport d’évaluation du gouvernement suédois est: “For people who are still being exploited in prostitution, the above negative effects of the ban that they describe must be viewed as positive from the perspective that the purpose of the law is indeed to combat prostitution” Skarhed, A. Prohibition of the purchase of sexual services. An evaluation 1999‐2008 (SOU 2010:49). July 2, 2010
(14) Lien: LAMES CNRS (PDF)
(15) Lien: Amnesty International
(16) Lien: Défenseur des Droits (PDF)
(17) Lien: Planning Familial
(18) Lien: Ligue des droits de l'homme
(19) Lien: CNCDH (PDF)
(20) Organisation Mondiale de la Santé, Prévention et traitement du VIH et des autres IST chez les travailleuses du sexe dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PDF), décembre 2012
(21) ONUSIDA, Le VIH et le commerce du sexe (PDF), Avril 2009
(22) PNUD, Global Commission on HIV & the Law, Juillet 2012, p41