Dans son arrêt du 30 aout 2023, la Cour Européenne des Droits de l'Homme « admet la recevabilité des requêtes (de 261 travailleuses du sexe contre la France) après avoir reconnu que les requérants pouvaient se prétendre victimes (de la loi 2016 de pénalisation des clients), au sens de l'article 34 (droit de requête individuelle) de la Convention, de la violation de leurs droits au titre des articles 2, 3 et 8 invoqués ».[1]
Dès 2020, l'évaluation officielle de la loi menée par l'IGAS et commandée par le gouvernement reprenait les observations des acteurs de terrain : « la mise en œuvre de cette disposition renforce la précarisation des personnes en situation de prostitution, les conduites à risques et l'insécurité liée à une clandestinité accrue, les clients imposant désormais leurs exigences, en arguant des risques pénaux qu'ils prennent. ».[2]
Alors que nous, les premières concernées, n'avons de cesse de dénoncer ce que nous subissons depuis 2016. Alors que des meurtres auraient pu être évités. Alors que les crises COVID et monkeypox ont mis en lumière l'absence de protection sociale et l'absurdité d'un prétendu accompagnement conditionné à l'entrée dans un « parcours de sortie » notoirement dysfonctionnel et limité à une centaine de personnes par an.
Le gouvernement continue de s'entêter dans l'idéologie et le dogme en reprenant les mêmes mensonges. Aurore Bergé, ministre déléguée à l'égalité entre les femmes et les hommes, répondant à Laurence Rossignol au Sénat, affirmait encore le 22 mars dernier sans aucune preuve que : « Les Jeux Olympiques et paralympiques sont un risque sur la question de la traite humaine, et la question de la prostitution »[3].
Nous connaissons déjà les conséquences du « plan prostitution » et de son application pendant les JOP, à savoir toujours + d'expulsions des appartements, hôtels, et Airbnb comme déjà prévu dans le plan national anti-traite, et qui conduit à l'exact inverse de ce qu'on prétend faire : davantage d'exploitation, puisque les TDS sont contraintes de se tourner vers des intermédiaires afin d'organiser la rencontre avec le client, fournir un lieu de travail, et répondre aux annonces pour les personnes ne parlant pas français. Tout cela sans aucun résultat probant, tous les chiffres de la police et de la justice indiquent une augmentation constante de la traite et de l'exploitation des mineurs depuis la loi de 2016.
La nouvelle loi immigration va précariser encore plus les TDS migrantes y compris les victimes de traite et empêcher des régularisations. Il n'y a jamais eu autant d'OQTF remises aux travailleuses du sexe migrantes alors même qu'on les présente comme des victimes à protéger. Rien ne va, mais on continue toujours et encore en reproduisant les mêmes résultats.
Les politiques antisociales incessantes du gouvernement contre le droit du travail, le droit au chômage, le droit à la retraite, les aides au logement, l'assurance maladie, les lois immigration, etc, confirment la cohérence du projet de guerre aux pauvres et à la classe travailleuse, formant un véritable « parcours d'entrée dans la prostitution » en totale contradiction avec la communication gouvernementale, mais en totale conformité avec la guerre menée aux travailleuses du sexe.
Nous n'avons jamais été aussi nombreuses à exercer le travail sexuel. La « prostitution » n'a pas été abolie. Elle s'est seulement déplacée et organisée de manière plus sophistiquée, avec des conditions de travail et de vie dégradées.
Pour défendre nos vies, nous appelons donc à une manifestation sur les réseaux sociaux afin de faire abroger toutes les mesures de pénalisation, lutter contre les discriminations, et accéder enfin au respect de nos droits humains fondamentaux, à la protection sociale, et au droit du travail dans tous les secteurs économiques, et quel que soit le travail sexuel exercé.
[1]https://hudoc.echr.coe.int/app/conversion/pdf/?library=ECHR&id=003-7730572-10691880&filename=D%C3%A9cision%20M.A.%20et%20autres%20c.%20France%20-%20La%20Cour%20admet%20la%20recevabilit%C3%A9%20des%20requ%C3%AAtes%20.pdf
[2] https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2019-032r-prostitution-d.pdf page 50
[3] https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/jo-de-paris-2024-aurore-berge-annonce-un-plan-anti-prostitution