
8 MARS - COMMUNIQUÉ
La Fédération Parapluie Rouge regroupe à l’échelle nationale les associations communautaires et de santé de travailleur-ses du sexe. Ces associations sont créées et organisées par et pour les TDS.
Nous comptons parmi nous : Acceptess-T, Autres Regards, Bad Boys, le Collectif des femmes de Strasbourg St-Denis, Grisélidis, le PASTT, PDA, les Roses d’Acier, le STRASS, les Pétrolettes, Paloma, Chardon Ardent et Bord!el.
A l’occasion de la journée internationale de luttes pour les droits des femmes et des personnes sexisées, nous, collectifs et organismes de Travailleur.ses du sexe (TDS) et associations de santé communautaire pour l’accès au droit et à la santé des TDS, interpellons le mouvement : les droits fondamentaux ne peuvent être rognés et supprimés pour une population en fonction de son genre, son origine ou de la nature de ses ressources.
Mères isolées, exilées, sans papiers, jeunes majeures, étudiantEs, personnes de la communauté LGBTQIA, aides-soignantes, femmes âgées, handicapéEs, malades… la communauté des travailleur.Euses du sexe est inclusive. L’urgence vitale lors de la pandémie du Covid et le nombre exponentiel d’emplois précaires ont vu les rangs des TDS croître. Iels sont nombreux.es. Leur communauté locale et internationale est basée sur le nécessaire partage des richesses. Dans la continuité de la lutte contre le VIH/SIDA, la communauté TDS accumule une culture, une expertise, des solutions aiguisées encore ignorées voire méprisées à ce jour. Riches de leurs échanges, les TDS tirent les enseignements des trajectoires de leurs sœurs de lutte par-delà les frontières. Et si chacune a sa destinée propre, leurs solidarités sont le reflet de ce qu’il y a de plus fort : une mise en commun d’outils de subsistance. L’ingérence morale et législative des pouvoirs sur leurs activités entraîne un cadre de non droit, notamment avec les lois sur le proxénétisme hôtelier et de soutien, qui criminalisent l’entraide. Iels sont alors amené.es à s’organiser entre iels et pour elleux mêmes.
Cette année, le racisme et le classisme d'État maintiennent leur cap, isolant TDS et associations. Les associations communautaires ont toujours moins de moyens et des dossiers toujours plus lourds à traiter. Dans un contexte où l'identité et les droits des personnes trans est attaquée, où la normalisation des discours suprémacistes, génocidaires, haineux sur les minorités nourrit l'extrême droite, où Mayotte a été laissée pour compte et où les femmes de Martinique sont révoltées contre la vie chère, où le gouvernement a déclaré la guerre aux pauvres : suspension du RSA, loi plein emploi, déportation des SDF pour les Jeux Olympiques, coupes budgétaires pour les facs, le social et l’hôpital, tout en annonçant que les femmes pourraient participer au “réarmement démographique”. Comment être surprises alors d’apprendre que les TDS sont oubliées, ou instrumentalisées en faits divers ?
Le budget pour préparer et faire la guerre augmente au détriment des urgences sociales.
Les TDS sont elles aussi, et plus que toute autre catégorie de travailleur.ses, victimes de cette mise au rebut sociale et de ses conséquences délétères. Par exemple, parmi une liste trop longue d’inégalités sociales, iels sont victimes du déni de dépôt de plainte, comme le rappelle Amnesty France dans leur nouvelle enquête. Isolées par la loi pénalisant leur client, les TDS se font d’autant plus et mieux agressées depuis la loi 2016 sans que cela ne dérange quiconque. Ainsi 260 d'entre elles ont porté plainte contre la France devant la CEDH (Cour Européenne des Droits de l'Homme). Plainte des TDS reçue, mais aboutissant à la validation institutionnelle et politique de la CEDH pour les procédés abolitionnistes français. Les centrales syndicales, sans consultation de leurs bases, ont annoncé se réjouir de la décision, marquant une opposition publique envers une lutte de travailleur.ses. et confirmant leur suivisme idéologique avec un état qui rend des travailleur.ses vulnérables.
Préférant qu’iels soient seulEs et pauvres plutôt qu’uniEs et bien vivantEs, les états abolitionnistes jouissent de cette séparation comme de la division de tout corps de lutte. Ces états chosifient les TDS à dessein comme leurs objets d’opposition au patriarcat- pour les états où le féminisme dit progressiste domine- ou contre les femmes tout court dans les états totalitaires. Ces états-là préfèrent une TDS victime plutôt qu’une TDS qui se bat...
La vie et les corps des TDS n’appartiennent à personne. Il est urgent de ne pas invisibiliser, dans le narratif féministe, la répression que subissent les TDS. Il est urgent d’y constater des résistantes dont le savoir est inspirant. Nous sommes également aux côtés des TTDS, nos collègues qui travaillent virtuellement et qui luttent chaque jour contre la précarité induite par leurs conditions d’exercice et le cyber-harcèlement qu’iels peuvent vivre. Il est urgent de ne pas rejouer le discours paternaliste en parlant de porno-criminalité, en confondant traite humaine et travail du sexe. Il est urgent d'écouter les concernéEs et les associations.
Il est urgent d’être solidaires avec les TDS, non parce qu’iels vous le disent. Mais parce qu’il s’agit de renforcer notre camp. Parce que suivre la tendance du féminisme abolitionniste à honorer les victimes au détriment des forces vives d’opposition aux violences systémiques, n’est pas un gage de lutte contre les oppressions. Surtout lorsque cette dynamique émane du féminisme institutionnel. Représentant ainsi un conformisme contraire aux luttes contre les pouvoirs.
Cette année marque les 50 ans de l’occupation de l'église Saint Nizier par les prostituées lyonnaises. Cette occupation de 8 jours a encouragé un mouvement hors des frontières. Depuis, chaque année, le 2 juin est une journée consacrée à la révolte des TDS, une journée de grève où les TDS s'organisent, de l'Inde au Kenya, de la République Dominicaine aux bars de striptease de Floride. En Argentine, les TDS sont ce mois-ci dans la lutte contre le gouvernement fasciste de Miliei, construisant des Assemblées Générales de rue queer et féministes. Ainsi scandent-elles : « Miliei n’est pas notre fils ».
Le temps et l’espace d’une occupation d'église, de faculté ou d’usine, est un espace-temps de création et de contre-programme. S’organiser contre vents et marées pour produire ces évènements, c’est vivre et résister en féministes.
Il ne peut y avoir de féminisme qui fasse obstacle aux droits universels et fondamentaux de catégories de femmes, de genres ou de personnes.
Il ne peut y avoir de féminisme qui fasse obstacle aux luttes contre les oppressions et la liberté de disposer de soi.
Les TDS ne doivent plus être les oubliées des droits universels et fondamentaux.
Dans un monde luttant contre les violences systémiques, les dominations et les inégalités, les TDS doivent être décriminaliséEs et déstigmatiséEs.
Nous voulons :
- L’abrogation des arrêtés municipaux qui criminalisent les TDS à Paris, Toulouse et Lyon
- L’abrogation de la loi de pénalisation des clients qui empêche les TDS de travailler
- La régularisation de toutes les sans papières, y compris les travailleuses du sexe exilées
- Une protection effective des victimes de traite des être humains, décorrélée d’un dépôt de plainte
- Une lutte féministe avec les travailleuses du sexe et non contre elles
- La mise en place d’une réelle politique de lutte contre les violences faites aux femmes, incluant les travailleurSEs du sexe
- La participation des TDS à tous les échelons de la prise de décision sur la législation qui les concerne
- Une retraite pour toustes