A l’attention de :
Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République française
Copie à :
Monsieur Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé,
Monsieur Julien Denormandie, Ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement
Madame Marlène Schiappa, Secrétaire d’État chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations
Lundi 6 Avril 2020,
Objet : Alerte sur l’impact de la crise sanitaire sur les travailleurSEs du sexe
Monsieur le président,
L’actuelle crise sanitaire intervient dans un contexte où les travailleurSEs du sexe sont déjà fragiliséEs et dans des situations de plus en plus précaires, conséquence de la loi de 2016 ayant introduit la pénalisation des clients. Depuis plusieurs jours, les organisations de travailleurSEs du sexe alertent sur une situation des plus graves, appellent à la solidarité pour pallier les défaillances de l’état, et demandent une aide d’urgence pour y remédier. Cependant, les pouvoirs publics ne prennent pas la mesure de cette gravité, ni de l’urgence.
En réponse, Marlène Schiappa affirme dans Libération qu’il « importe au gouvernement que tout le monde soit protégé et cela signifie que les personnes prostituées doivent cesser leur activité ». Cette phrase nous désole car elle démontre une véritable incompréhension, voire un mépris pour leurs conditions de vie. D’une part, parce que les travailleurSEs du sexe respectent le confinement et, de ce fait, ne doivent pas être stigmatisées comme boucs émissaires, ni accusées de mettre en danger la population. D’autre part, parce que l’histoire de la lutte contre le sida a prouvé, que se contenter des postures et injonctions morales en pareille circonstance est inefficace. Ce qui est efficace en revanche, c’est de donner tous les moyens matériels possibles pour éviter qu’à court terme, certaines travailleurSEs du sexe parmi les plus démunies se retrouvent contraintes de braver le confinement, non pas de gaîté de cœur, mais faute de moyens de subsistances, car il s’agit de survivre.
Nos associations organisent actuellement la solidarité pour que tout le monde cesse son activité, et participent activement à la mobilisation collective, mais cela ne suffit pas, l’état doit lui aussi s’engager. Tout le monde veut et doit rester chez soi, mais encore faut-il ne pas en être, ou ne pas déjà en avoir été, chassée. Il faut toujours payer sa chambre d’hôtel ou son loyer, la nourriture, et les produits de première nécessité. Imposer des amendes aux travailleurSEs du sexe ne fait qu’ajouter un peu plus de précarité, qui est pourtant la cause première de leur détresse.
Le gouvernement ne semble pas comprendre que déjà en « temps normal », de nombreuses travailleurSEs du sexe vivent au jour le jour et leurs conditions de vie au quotidien sont déjà extrêmement difficiles. Cela veut dire qu’une insécurité financière extrême s’est abattue sur ils et elles dès les premiers jours du confinement et que les injonctions à « cesser leur activité » sont inentendables au vu de leur précarité. Il serait injuste de laisser supposer une irresponsabilité de leur part, alors que les travailleurSEs du sexe sont abandonnéEs par les pouvoirs publics et sont excluEs des protections sociales et droits du travail dont peuvent bénéficier les autres travailleurs.
Un fonds d’urgence doit donc être créé afin de permettre un revenu de remplacement le temps du confinement, sans condition de régularité de séjour, seule solution pour empêcher les prises de risques associées à l’exercice du travail du sexe. C’est une question de santé publique, pour nous, mais aussi pour les clients, et l’ensemble de la population. Les travailleurSEs du sexe ne sont pas le problème, nous faisons au contraire partie de la solution.
Signataires :
Fédération Parapluie Rouge, Grisélidis, Paloma, Les Roses d’Acier, Acceptess-T, Autres Regards, Cabiria, les amis du Bus des Femmes, Strass-Syndicat du travail sexuel.